Haras de la Cense, 12 août 2006
Voici quelques notes prises lors de la mini-conférence qu'elle a donnée au Haras de la Cense pour les instructeurs, stagiaires et élèves en formation. Je connaissais déjà quelques points, d'autres explications sont nouvelles pour moi.
• Le mouvement
Le cheval est sensible à l'accélération du mouvement, plus qu'au mouvement seul. Il détecte le changement de rythme à la fraction de seconde près.
Ce qu'on attribuait à l'énergie est en fait attribuable à l'accélération de notre demande quand on veut augmenter la "pression".
De ce fait, le cheval apprend autant en un simple geste vif pour le repousser par exemple que de lui faire faire des tours au galop pour le "punir". Ce n'est pas parce qu'il fait plusieurs tours qu'il comprendra mieux qu'il a mal fait. Une simple foulée ou un seul pas de reculer avec l'intensité adéquate peut largement suffire. C'est un animal qui vit dans l'instant.
• Join-Up
Démontage de la théorie de la jument dominante qui écarte son poulain rebelle du groupe social et qui est à l'origine du join-up de Monty Roberts. La jument n'a pas chassé son poulain en se disant "je vais le mettre à l'écart du troupeau, comme ça il aura peur et il reviendra tout penaud". Le cheval ne peut pas préméditer. Si le poulain a été mis hors du troupeau, c'est peut-être parce que la jument dominante ne se situait pas au milieu mais sur le côté du groupe. Quand elle a repoussé son poulain, il s'est simplement retrouvé en dehors du groupe. Elle ne l'a pas consciemment sorti.
• Différence entre le leader et le dominant.
Le dominant influe et impose un comportement aux autres chevaux. Il est "moi-je" : le premier à accéder aux ressources.
Le leader n'est pas conscient d'être leader. Et il peut y avoir plusieurs leader dans un même groupe. Le leader est par exemple le premier cheval qui décide d'aller un peu plus loin à l'ombre parce qu'il a chaud. En s'éloignant du groupe, il crée un vide qu'instinctivement les autres chevaux vont combler pour retrouver une cohésion sociale. Les autres chevaux vont donc donner l'impression de le suivre. Le leader n'impose pas un comportement aux autres chevaux. Si un cheval se couche en premier, il n'est pas rare que d'autres l'imitent et se couchent à leur tour. Le leader est en fait un cheval qui aura moins peur que les autres et qui, à un moment donné, prendra l'initiative d'aller chercher à boire ou de se mettre à l'ombre. Il se peut que les autres chevaux avaient soif aussi mais que, peu courageux, ils n'osaient pas quitter le groupe. Un cheval "leader" peut être un dominé.
• L'espace personnel
Le cheval ne perçoit l'espace personnel que si on bouge. Un cheval qui nous voit pour la première fois ne nous attribue pas d'espace personnel. Il nous voit comme un poteau. C'est à nous de créer notre espace en bougeant (avancer, étendre les bras,...). Le cheval attribue un plus ou moins grand espace personnel selon le degré de hiérarchie qu'il accorde à un autre cheval ou à un humain (= "valant-cheval"). On parle souvent de bulle, mais l'espace personnel chez l'humain est perçu en forme patatoïde : plus d'espace devant et sur les côtés que derrière. C'est pour cela que les chevaux passent plus près de nous derrière que devant.
Comme chez les humains, le cheval tolère l'intrusion dans son espace personnel d'un poulain joueur : on peut observer que le poulain court, fonce, dans son père, sa mère, sans qu'aucun adulte ne le prenne mal. C'est pareil chez les humains : les enfants qui courent partout, bousculent, ne sont pas considérés comme mal élevés : c'est tout naturellement des enfants qui jouent.
• Le respect
On ne peut pas dire qu'un cheval est irrespectueux. Il ne fait pas exprès et ne se dit pas "celui-là, je l'aime pas, je vais le bousculer". Il ne peut pas préméditer. Si le cheval bouscule, c'est qu'il ne perçoit pas notre espace personnel. C'est à nous de le créer.
• La proie
Le cheval domestique est avant tout un herbivore avant d'être une proie. Il ne devient proie que si on n'adopte pas un comportement social qu'il connait. Nous nous comportons en prédateur à partir du moment où on n'emploie pas son langage social. Si notre signal n'est pas cohérent avec un comportement normal du cheval, il l'assimilera a priori à un signal "prédateur".
Par exemple, si on emprunte le même sentier que les chevaux quand on entre dans leur pré, ils seront moins regardant parce qu'on aura adopté un de leurs comportements. Si on emprunte un chemin différent du leur pour entrer dans le pré, on n'adopte pas leur comportement social et ils seront alertés.
Dans le cas du Join-Up, le cheval est chassé sur son cercle pendant un certain temps, tournant en rond, sans fuite possible (le cheval sait qu'il tourne en rond). Pour le cheval, il n'y a pas de réponse cohérente possible, l'homme a donc un comportement qui ne correspond pas à son langage social et le considère comme un prédateur. Le cheval adopte alors un comportement de fuite. Même doucement (Join-Up au pas), le stress est vérifiable. Si le Join-Up dure trop longtemps ou si la tension monte trop, le cheval entre en inhibition, ce qui est dommageable pour son psychisme et son système nerveux. La chasse d'un cheval par un cheval est toujours extrêmement courte (un bond ou quelques foulées). Sauf dans le cas d'un étalon qui chasse un rival et où une course-poursuite s'engage, mais le but n'est pas que le cheval poursuivi finisse par suivre l'étalon.
• Le demi-tour par l'extérieur dans un rond de longe
A proscrire. Même au pas, le demi-tour par l'extérieur provoque un pic de stress pendant une fraction de seconde où le cheval pense être en état de fuite. Le demi-tour par aspiration provoque, lui, une baisse de la tension.
• Pourquoi l'aspiration fonctionne
Le cheval vit en groupe, formant une cohésion sociale. Quand on recule, on crée un vide que le cheval, génétiquement sensible à cette cohésion sociale pour sa survie, va combler en se rapprochant. C'est le même principe que le cheval "leader" qui va s'éloigner du groupe pour aller se mettre à l'ombre et que tous les chevaux vont suivre pour recréer la cohésion sociale.
• Le regard
Les chevaux se regardent entre eux. Le regarder n'est pas un problème. C'est la manière de le regarder qui traduit nos intentions qui compte. Si on veut le chasser, on ne le regardera pas de la même manière que si on veut le caresser. Le cheval n'est pas sensible à notre regard mais à notre attitude.
• La vie en troupeau
Le cheval ne vit pas en troupeau, sauf si l'espace est restreint ou s'il y est contraint (rassemblement de mustangs par exemple par hélicoptère). En général, il vit en petits groupes de 2 à 10 individus composés d'un étalon, de 3 ou 4 juments et de sa progéniture.
• Le rond de longe
Le cheval a parfaitement conscience de l'espace dont il dispose dans un rond de longe. Il sait parfaitement qu'il tourne en rond.
• Inhibition de l'action
Quand on atteint un certain seuil de stress, le cheval entre en "inhibition" : il ne réagit plus à son environnement. Il n'apprend plus rien. Il faut absolument garder le cheval en "champ détendu" pour continuer un apprentissage. Cfr débourrages rapides et join-up musclés.
• La position
Notre position et notre attitude sont importante dans le travail du cheval. Par exemple, à pied, des gens disent "avec moi, il essaye de quitter la piste. Avec lui, tout se passe bien." En fait, la personne expérimentée occupe si bien l'espace (attitude, position -> "présence") que le cheval n'a même pas l'idée d'essayer de dévier. On en revient à la cohésion sociale : si le cheval perçoit un vide, il le comble. Il faut donc occuper correctement l'espace.
Le cheval dominant occupe un certain espace également. Les chevaux n'ont souvent même pas l'idée de frôler son espace et longent sa "bulle". Plus un cheval est dominé, plus il zigzaguera entre les "bulles" pour aller d'un endroit à un autre. Plus le cheval est dominant, plus il marchera droit, les autres s'écartant de son passage.
• Est-on dominant ou leader ?
On est un "valant-cheval".